La greffe, un espoir Imprimer

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Mardi 13 décembre 2011, 14h... Date à laquelle nous avons rencontré médecins, chirurgien et professeur de gastro entérologie de l'HFME (Lyon) afin de faire le point sur l'état de santé de Maxence durant l'année écoulée (18 blocs opératoires) et sur... son avenir. C'est à partir de cette date que le projet de greffe est avancé: nous n'avons plus le choix.

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Jeudi 12 janvier 2012, midi: rendez-vous à Necker pour discuter de la greffe viscérale. Maxence n'est pas présent car il est de nouveau hospitalisé pour une septicémie. Le compte rendu de sa situation est accablante:

-       L’impossibilité d’utiliser le tube digestif semble avoir était faite. Dernier essai en Mars 2011 par une pose de sonde gastro jéjunale chirurgicalement. (échec d’instillation de 10 mml de GES 45 entraînant douleurs, fuites autour de la stomie et RGO majeur.)

-       La qualité et le diagnostic vital sont fortement altéré par :

     Mécontent La survenue de nombreuses complications infectieuses (9 au total entre janvier et octobre 2011.), 4 épisodes à staphylocoques (épi, aureus, haemoliticus…), 3 à germes multiples et variés (E. coli, acinétobactèr, pseudomonas, klebsielle…) et une septicémie à candidat ALBICANS.

     Mécontent 19 ème cathéter actuellement en place (8 changements de KT durant 2011).

    Mécontent Des douleurs hépigastriques entraînant un accès au KT pluri quotidien pour l’administration d’antalgiques (aucune tolérance des médications par voie gastrique).

     Mécontent Des douleurs osseuses liées à l’ostéopathie de la NP traitée par Biphosphonate.

 

Le médecin qui nous reçoit nous dit que nous n'avons plus le choix si nous voulons continuer à croire en l'avenir avec notre petit homme. Rendez-vous est pris pour le bilan pré-greffe afin qu'il puisse être mis sur "liste d'attente" dont les délai pour être appelé sont de 1 an et demi à 2 ans... Nous reviendrons donc avec Maxence pour une hospitalisation d'une semaine à partir du mardi 13 mars, 15h. Il y sera défini, entre autre, les organes à greffer mais vu les premiers compte-rendu, il s'agirait de l'intestin grêle, du colon, du foie, du pancréas et de l'estomac (organe beaucoup plus rarement greffé dans ces circonstances).

Lundi 12 mars au matin, coup de téléphone de Necker...notre départ est reporté de 24h sous réserve... Nous attendons alors avec impatience la confirmation téléphonique du lendemain matin que l'hospitalisation soit bien maintenue au mercredi 14. Dans un même temps nous recevons par SMS les rendez-vous pour jeudi 15 avec le chirurgien à 14h30 et l'anesthésiste à 15h30. Les deux parents devant être présents afin de signer les différentes autorisations pour la greffe, nous achetons les billets de train pour le papa.

Mercredi 14 mars, nous arrivons à Necker. Maxence est installé dans sa nouvelle chambre avec un autre petit garçon qui ne nous est pas inconnu... Les deux enfants étaient ensemble en 2008, à Necker. Ce petit garçon venait alors d'être juste greffé des intestins. Aujourd'hui, il est là...il a fait un rejet et il a été détransplanté...retour à la case départ, il a presque 6 ans. Ce sont les aléas de la greffe et nous le savons bien.

Jeudi 15, nous rencontrons le chirurgien spécialiste des greffes viscérales qui reprend un à un le fonctionnement de chaque organe digestif de Maxence. Après plus d'une heure de discution, il conclut à la transplantation d'un "bloc", c'est-à-dire plusieurs organes: colon, intestin grêle, pancréas, estomac et certainement foie. Il nous explique que la greffe multi viscérale n'est pas plus compliquée voire plus facile que de greffer un seul organe comme le foie (vaisseaux sanguins). Il faudra compter 10 à 12 heures de bloc opératoire et estime la réussite d'une telle transplantation chez Maxence à 2/3. Nous rencontrons dans la foulée l'anesthésiste qui s'occupe également des greffes. Elle calcule alors le litrage de sang qui sera nécessaire lors de la transplantation (5 litres) et nous explique ses interventions lors du bloc.

Vendredi 16, les medecins viennent nous faire une première synthèse de leur réunion de la veille au soir suite à nos rendez-vous. L'alimentation parentérale ne convient plus à Maxence et met même sa vie en danger. Son quotidien n'est plus acceptable. Il faut donc le transplanter. Chirurgien et anesthésiste ont établi une liste d'examens à faire dont certains ont déjà été pratiqués à Lyon lors des dernières hospitalisations. Il est donc décidé que nous y poursuivions les bilans pré-greffe demandés. Notre retour est alors programmé au mercredi 21, date à laquelle nous rencontrerons un dernier médecin pour discuter de "l'après-greffe". Nous sommes un peu déçus (même beaucoup) de ne pas faire ces examens tout de suite. Nous espérons que Lyon prendra à coeur de les faire assez rapidement. Mais lundi 19 au matin, Maxence fait une septicémie qui entraine le changement du broviac et donc prolonge notre séjour jusqu'au 7 avril. Du coup de nombreux spécialistes se présentent à nous pour mieux comprendre Maxence en prévision de la greffe dont l'équipe de génétique.  

Le verdict tombe: Maxence a besoin d'une transplantation multi viscérale estomac-foie-pancréas-intestin​ grêle-colon mais il n'est pas transplantable vu son état musculaire et osseux... A savoir que les fortes doses de corticoïdes qu'il devra recevoir post greffe l'achèveront s'il est dans cet état et il passera le reste de sa vie en fauteuil. Il doit donc être placé dans un centre médicalisé dans les Yvelines afin de suivre une rééducation importante tel un sportif de haut niveau se préparant aux JO. Cela pour une durée minimale de 6 mois...En fonction des résultats obtenus il sera ou non inscrit rapidement sur liste mais de toute façon poursuivra sa rééducation. Necker n'a JAMAIS vu çà, une telle ostéoporose à seulement 7 ans. Deplus, ils restent persuadés que Maxence est atteint d'un autre syndrôme et veulent le découvrir.

Nous rentrons alors le 7 avril profiter d'instants en famille car dès qu'une place se libère dans ce centre, Maxence y sera placé... C'est une nouvelle épreuve pour nous tous...mais nous y ferons face!

15 mai: départ pour le centre hospitalier de rééducation de Bullion dans les Yvelines, à 500kms de la maison. Des séance de kiné sont mises en place, à hauteur de 5/semaine. Des examens continuent à être faits à Necker dont un électromyogramme....et là le verdic tombe: neuropathie au niveau des membres inférieurs. Ceci explique mieux les douleurs et la fatigabilité de Maxence au niveau des jambes et du dos et donc l'utilisation du fauteuil roulant. Ses problèmes de tachycardie inexpliqués et de non régulation de température peuvent alors s'expliquer... Par contre, l'équipe de greffe viscérale n'a jamais eu à traiter ce problème. Ils font donc appel à l'équipe de neurologie afin de savoir si cela ne va pas compliquer la donne. Les anti-rejets risquent s'accélérer la neuropathie. C'est une question d'étyque: on ne peut pas permettre à Maxence de s'alimenter normalement mais le priver de l'usage de ses jambes (au minimum). La situation devient un vrai casse-tête. De nouveaux examens et concertations des médecins sont à prévoir en fin d'année. En attendant, le séjour de Maxence dans ce centre hospitalier est prolongé jusqu'à Noël 2012...

En attendant, Maxence ne fait pas d'infection mais l'orifice de son catéther reste fragile: le pansement doit être refait tous les deux jours voir tous les jours. D'ailleurs il est retrouvé un staphylocoque doré sur ce point qu'il faut traiter avec un antibiotique local.

Un autre problème, de taille, vient s'ajouter: Maxence fait de très nombreuses selles pr les fesses (alors qu'il a des stomies). Cela l'oblige à porter des couches jour et nuit. Il avait déjà rencontré ce problème mais cela ne durait que quelques jours voir 1 semaine. Alors que là, l'épisode commence fin juin, s'accentue sévèrement en juillet, et est toujours d'actualité courant octobre... Des lavements quotidiens sont prescrits afin d'éviter l'installation de germes dangereux et donc limiter les risques de septicémie. Ses selles sont très nauséabondes et douloureuses. Cela complique encore son quotidien...

Courant novembre, nous rencontrons les médecins afin de faire le point sur cette longue hospitalisation. Il est alors décidé que Maxence peut rentrer définitivement à la maison le 22 décembre! Par contre, c'est un peu tête basse que le médecin de Necker nous avoue que les maladies digestives dont Maxence souffre ne sont que la partie visible de l'iceberg. Il devra être hospitalisé dans le courant du premier trimestre 2013 en...neurologie. L'iceberg est une maladie neurologique dont on a tout à découvrir si même elle porte un nom. L'équipe de transplantation intestinale doit savoir si Maxence sera ou non un jour transplantable. Tout repose maintenant sur cette nouvelle équipe.

JUIN 2013: l'espoir de la greffe est terminé... La découverte de la dystrophie FSH rend impossible cette intervention.

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Bien que les techniques chirugicales de la greffe multiviscérale aient été mises au point au début des années 1960, seules quelques greffes avaient été réalisées avant les années 1990 car les traitements immunosuppresseurs initiaux condamnaient l'intervention à l'échec. En effet, la greffe intestinale aboutissait au décès de la plupart des maldes dans les jours ou les mois qui suivaient l'intervention. Les mauvais résultats observés alors étaient liés à des complications techniques, à l'infection, et à l'incapacité des traitements immunosuppresseurs à contrôler le rejet intestinal. Au début des années 1990, on assiste à une amélioration significative de la survie des greffons et des malades pour tous les types de greffes intestinales grâce à une avancée de la recherche.

 

Histoire de la greffe intestinale

La première greffe intestinale a été réalisée chez l'animal par Alexis Carrel et publiée en 1902. Cependant, ce sont les techniques chirurgicales mises au point chez l'animal en 1959 par Lillehei qui ont permis la réalisation de la première greffe intestinale chez l'homme en 1964.

Par la suite, trois phases ont marqué l'évolution de cette activité en clinique.

Phase initiale

Pendant la phase initiale qui se situe de 1964 à 1972, tous les receveurs sont décédés dans les six mois suivant la greffe, soit de complications chirurgicales, soit de rejet, soit de complications infectieuses 

Dès lors, l'intérêt pour la greffe intestinale s'estompait pendant plusieurs années.

Seconde phase

L'introduction de la cyclosporine en 1979 s'accompagnait d'une amélioration significative des résultats de la greffe du foie, du rein, et du cœur. L'espoir d'un effet similaire sur la greffe intestinale conduisait à la reprise des programmes de greffe d'intestin. C'est pendant cette phase que les premières survies prolongées (égales ou supérieures à six mois) étaient observées. En fait, malgré l'amélioration des résultats, la survie à un an des malades pendant cette période était comprise entre 0 % et 28 %, et la survie des greffons comprise entre 0 % et 11 % . La seule survivante de cette ère de la cyclosporine est une fillette qui avait reçu en 1989 une greffe d'intestin isolé pour un volvulus intestinal total, à l'hôpital Necker-Enfants Malades. Les mauvais résultats observés à cette époque ont conduit de nombreuses équipes à arrêter de nouveau leur programme de greffe intestinale.

Phase actuelle

La phase actuelle débute avec l'introduction du tacrolimus dans la deuxième moitié des années 1980. Celle-ci a totalement transformé les résultats de la greffe intestinale en permettant un meilleur contrôle du rejet.

L'insuffisance intestinale

Certains la définissent comme une diminution de la masse intestinale fonctionnelle ne permettant plus d'assurer une digestion et une absorption minimale des nutriments. L'approche la plus souvent utilisée consiste à définir l'importance de l'insuffisance intestinale en fonction du volume de nutrition parentérale nécessaire au maintien du statut nutritionnel et à la croissance.

Les causes de l'insuffisance intestinale sont artificiellement divisées en causes anatomiques et causes fonctionnelles (hirschsprung, POIC...)

L'insuffisance intestinale peut être associée à de nombreuses complications dont certaines peuvent faire discuter la greffe intestinale, en particulier les complications hépatiques (foie), les infections à répétition sur cathéter central (complication fréquente des cathéters centraux posés pour alimentation parentérale prolongée), les thromboses des vaisseaux (à cause de cathéter de nutrition), et les infections à répétition (dont les complications osseuses comme l'ostéoporose).

 

Évaluation du candidat potentiel à la greffe intestinale

La greffe intestinale est envisagée chez un malade porteur d'une insuffisance intestinale permanente, qui remplit les critères actuels de sélection, et ne présente pas de contre-indications à la greffe. L'objectif du bilan prégreffe est donc de répondre à plusieurs questions fondamentales : (a) l'insuffisance intestinale est-elle permanente ? (b) le malade est-il candidat à une greffe intestinale selon les critères actuels ? (c) existe-t-il des contre-indications à la greffe ? (d) quel type de greffon implanter ?

L'insuffisance intestinale est-elle permanente ?

L'insuffisance intestinale est temporaire dans environ 70 % des cas, la récupération d'une fonction intestinale normale étant parfois aidée par des moyens médicaux ou des interventions de reconstruction digestive.

Son caractère permanent, donc la dépendance permanente à l'alimentation parentérale, doit être démontré avant d'envisager une greffe intestinale. La difficulté de démontrer le caractère permanent de l'insuffisance intestinale est liée à la capacité que possède l'intestin de s'adapter à une résection intestinale massive. Un certain nombre de paramètres permettent de prédire le caractère permanent de l'insuffisance intestinale : les conditions anatomiques, la durée sous nutrition parentérale, et les taux sanguins de citrulline. Chez l'enfant, les chances de sevrage de l'alimentation parentérale sont probablement épuisées après 36 à 48 mois. Elles sont d'autant plus faibles que la longueur initiale du grêle restant est inférieure à 30 cm et qu'il n'y a pas de valvule iléocæcale, surtout s'il n'a pas été possible de rétablir la continuité iléocolique.

Le malade est-il candidat à une greffe intestinale selon les critères actuels ?

Les critères utilisés actuellement proviennent des États-Unis où se font plus de 75 % des greffes intestinales réalisées dans le monde. La présence d'un des critères suivants suffit à adresser le malade pour évaluation pour une greffe intestinale.

Les complications hépatiques sévères

La maladie hépatique chez l'insuffisant intestinal nécessite de la diagnostiquer, d'en apprécier la sévérité exacte et de juger de sa réversibilité ou non, car une maladie hépatique sévère et irréversible est une indication de greffe combinée foie et intestin (fibrose sévère ou une cirrhose dues à l'alimentatin parentérale par exemple)

Les infections à répétition sur cathéter central

La greffe intestinale est envisagée lors d'infection bactérienne ou fongique sur cathéter (septicémie) s'accompagnant ou non d'une particulière sévérité, entraînant un choc septique . La greffe intestinale est également à envisager lorsque la fréquence des épisodes infectieux nécessitant une antibiothérapie itérative a conduit à l'apparition de germes résistants aux antibiotiques.

Les thromboses veineuses mettant en jeu le pronostic vital

L'accessibilité veineuse est nécessaire à la poursuite de la nutrition parentérale totale prolongée. Elle implique la perméabilité des six voies veineuses qualifiées « majeures » : les deux veines jugulaires internes, les deux veines sous-clavières, et les deux veines iliaques. Chez le petit enfant, le consensus actuel est que la thrombose d'au moins deux des quatre veines du cou (veines jugulaires internes et veines sous-clavières) doit faire proposer le malade pour une greffe intestinale avant que la perte des voies veineuses restantes ne compromette la poursuite de l'alimentation parentérale, ou ne rende plus difficile la prise en charge post-greffe du malade. Chez le grand enfant et chez l'adulte, la décision d'adresser le malade pour un bilan prégreffe peut être prise lorsque trois des six veines majeures sont thrombosées.

La mauvaise qualité de vie

Certains malades sous nutrition parentérale ont une mauvaise qualité de vie liée à des séjours hospitaliers fréquents, parfois prolongés et à une impossibilité d'avoir une vie sociale normale. D'autres malades porteurs de maladie de Hirschprung ou de pseudo-obstruction intestinale chronique souffrent de troubles digestifs sévères, récurrents, malgré des traitements médicaux et/ou chirurgicaux.

 

Existe-t-il des contre-indications à la greffe ?

Les contre-indications à la greffe intestinale sont similaires à celles rapportées pour les autres greffes d'organes. Les contre-indications absolues sont les déficits immunologiques sévères, les cancers systémiques évolutifs ou récents, l'insuffisance cardio-pulmonaire, les maladies autoimmunes systémiques, et l'infection active (pneumonie, septicémie non contrôlée, infection fongique). Enfin, l'absence prévisible d'accès veineux accessible pendant les 6 mois suivant une greffe intestinale est considérée comme une contre-indication absolue à la mise sur liste d'attente de greffe. Les contre-indications relatives dépendent le plus souvent des politiques des centres de greffe. Elles concernent l'âge du receveur et le mauvais état nutritionnel du receveur.

Quel type de greffon implanter ?

 

Le bilan prégreffe permet de poser l'indication de greffe intestinale, d'apprécier l'opérabilité du malade, et de déterminer si le malade a besoin d'une greffe intestinale isolée, d'une greffe combinée foie-grêle, ou d'une greffe multiviscérale. La greffe intestinale isolée est indiquée en l'absence de signes cliniques et biologiques d'hépatopathie sévère. La greffe multiviscérale (estomac, pancréas, intestin, foie) est parfois proposée dans les tumeurs bénignes extensives et les dysmotilités étendues à l'estomac.

Critères de sélection du donneur cadavérique

La compatibilité HLA n'est pas prise en compte en greffe intestinale. Le bilan hépatique doit être proche de la normale. Les sérologies virales doivent être négatives sauf les sérologies CMV et EBV dont la positivité n'est plus une contre-indication à l'utilisation de l'intestin.

Chez l'enfant, le poids théorique conseillé du donneur se situe entre la moitié de celui du receveur jusqu'à un surplus de 20 %. En fait, de plus grands donneurs peuvent être utilisés pour les enfants ayant une distension abdominale comme ceux souffrant de dysmotilité. De plus, il est possible de réduire la taille d'un greffon intestinal trop grand pour l'adapter à l'abdomen de l'enfant. Dans les greffes combinées foie et grêle, une réduction du foie peut être associée à celle de l'intestin.

 

Le prélèvement d'intestin à partir du donneur cadavérique

Le prélèvement de l'intestin se fait habituellement dans le contexte d'un prélèvement multiorganes. La technique dépend du greffon que l'on souhaite obtenir, intestin isolé, intestin combiné au foie, ou greffon multiviscéral. Quelle que soit la technique utilisée, l'opérateur doit tenir compte du fait que la durée d'ischémie froide tolérée par l'intestin grêle est actuellement la moins longue de tous les viscères intra-abdominaux, soit 8 à 10 heures.

La technique de référence du prélèvement du greffon combiné foie et intestin grêle est actuellement le prélèvement en bloc du foie et de l'intestin, sans dissection du hile hépatique. L'intestin est prélevé du pylore à la valvule iléocæcale. La tête du pancréas et le duodénum sont compris dans le greffon. Le greffon est vascularisé par l'artère hépatique prélevée avec un patch aortique et l'artère mésentérique supérieure également prélevée avec un patch, commun ou non avec celui de l'artère hépatique. Le prélèvement d'un greffon multiviscéral inclut l'estomac, le pancréas, l'intestin, et, parfois, le foie. Le greffon est vascularisé par un segment d'aorte englobant les artères destinées aux différents organes prélevés.

La technique de la greffe intestinale

L'intestin grêle isolé

En fonction des antécédents chirurgicaux du malade, l'intervention dure entre 8 et 10 heures, parfois plus longtemps.

L'intervention se termine par une iléostomie permettant d'assurer ensuite le suivi du fonctionnement intestinal. La continuité digestive est rétablie en amont par une anastomose entre l'intestin grêle proximal du receveur et l'extrémité proximale du greffon intestinal. En aval de l'iléostomie, la continuité digestive est le plus souvent rétablie entre le greffon et le colon ou l'intestin grêle restant.

La greffe combinée foie et intestin grêle

La technique la plus utilisée est la greffe en bloc du foie et de l'intestin. Le rétablissement de la continuité digestive est semblable à ce qui a été décrit pour la greffe isolée de l'intestin.

La greffe multiviscérale

Dans la greffe multiviscérale incluant le foie, les anastomoses vasculaires sont les mêmes que dans la greffe combinée foie et intestin. Seul le niveau du rétablissement de la continuité digestive varie. Lorsque le foie est exclu du greffon, l'artère de celui-ci est implantée directement dans l'aorte sous-rénale et la veine est anastomosée à la veine cave inférieure sous-rénale.

La surveillance du premier mois postopératoire

Après la greffe, le receveur est transféré dans un secteur de réanimation pendant 1 semaine puis les soins intensifs où il séjourne habituellement trois à quatre semaines, enfin en service de gastro entérologie pendant, en moyenne, 3 autre semaines. L'aspect de la stomie, ainsi que la quantité et l'aspect du liquide recueilli sont surveillés. Le transit reprend habituellement dans les 24 heures qui suivent la fin de l'intervention.

Dès le retour aux soins intensifs, des traitements sont entrepris pour prévenir l'infection bactérienne, virale, et fongique. L'alimentation parentérale est poursuivie selon les mêmes modalités qu'avant la greffe. Selon les équipes, l'alimentation entérale est débutée soit dans les heures qui suivent la greffe, soit vers la fin de la première semaine, lorsque la biopsie intestinale n'a pas montré de signes de rejet et que la reprise du transit par la stomie semble satisfaisante. Elle est débutée à la pompe. Progressivement, l'alimentation entérale par la sonde gastrique, la jéjunostomie ou la gastrostomie est augmentée tandis que le volume de la nutrition parentérale est diminué. L'objectif est d'assurer la totalité des apports nécessaires, par voie orale. La nutrition parentérale est arrêtée dès que l'alimentation entérale est bien tolérée et assure les besoins nutritionnels, mais le cathéter central n'est retiré que plus tard, après la fermeture de la stomie qui est habituellement réalisée vers le troisième mois postgreffe.

Le traitement immunosuppresseur, débuté au bloc opératoire, est poursuivi.

Les complications postopératoires

Les complications surviennent essentiellement pendant les six premiers mois postopératoires.

Les complications chirurgicales

Elles compromettent rarement le fonctionnement du greffon. Elles sont rencontrées dans 50 % des cas. Les plus fréquentes sont l'hémorragie postopératoire intrapéritonéale extériorisée par les drains abdominaux, les complications biliaires, et les occlusions digestives. Les autres complications sont moins souvent rencontrées : complications vasculaires, perforation intestinale, éventration, abcès intra-abdominaux, ascite chyleuse (épanchement liquidien).

L'hémorragie par l'iléostomie

Elle est la complication digestive la plus fréquente après greffe intestinale. Elle peut être liée à une complication chirurgicale, à un rejet, ou à une infection intraluminale.

L'hypermotricité

Elle est caractérisée par l'augmentation du transit intestinal. Elle est habituelle immédiatement après une greffe intestinale. Son mécanisme est inexpliqué. Elle est généralement traitée par des agents antidiarrhéiques. Cependant, la survenue secondaire d'une hypermotricité (diarrhée sécrétoire) doit d'abord faire éliminer une infection intestinale ou un rejet, en particulier lorsque s'y associent une fièvre et/ou une distension abdominale.

Le rejet

Le rejet cellulaire aigu est la principale cause de perte des greffons après greffe intestinale. Il doit être suspecté devant une augmentation brutale du volume quotidien des selles, une modification de leur consistance, ou la présence éventuelle de sang dans les selles. Il n'existe pas actuellement de marqueurs sanguins du rejet. Le premier épisode de rejet survient le plus souvent une à deux semaines après la greffe, mais il peut être beaucoup plus précoce ou plus tardif. Le rejet est plus fréquent pendant la première année postopératoire mais il peut survenir beaucoup plus tard.

En l'absence de traitement précoce, l'évolution d'un rejet aigu peut se faire vers une aggravation rapide des lésions, entraînant la perte du greffon, et la mort du malade. C'est la raison pour laquelle un diagnostic rapide, fiable, et précis du rejet au stade précoce est primordial dans le suivi d'un malade ayant reçu une greffe intestinale.

Au contraire du rejet aigu, les critères cliniques du rejet chronique de l'intestin sont moins bien identifiés. Les symptôme évocateurs associent une diarrhée chronique, une perte progressive de poids, une fièvre intermittente, des douleurs abdominales, et/ou des saignements digestifs. Les rejets aigus réfractaires à tout traitement et les rejets chroniques conduisent le plus souvent à la détransplantation et à une seconde greffe, même si les résultats de la retransplantation sont moins bons que ceux d'une première greffe.

 

Les complications infectieuses

L'infection est la cause la plus fréquente de morbidité et de mortalité après greffe intestinale. Elle est responsable de près de 50 % des décès. Les infections du premier mois postopératoire sont fréquentes, dominées par les infections bactériennes qui représentent plus de 80 % des infections pendant cette période. Pendant la période postopératoire immédiate, le traitement prophylactique associe le plus souvent une antibiothérapie par voie intraveineuse et une décontamination digestive avec des antibiotiques non absorbables par le tube digestif.

Les infections fongiques peuvent être favorisées par la translocation digestive, la contamination de cathéters intraveineux, l'immunosuppression lourde, les fistules digestives...et/ou l'utilisation prolongée des antibiotiques. Le candida albicans est le germe le plus fréquemment retrouvé.

Les infections virales surviennent essentiellement après le premier mois postopératoire.

Les résultats de la greffe intestinale

Le registre international de la greffe intestinale (The International Intestinal Transplant Registry) collige toutes les greffes intestinales réalisées dans le monde depuis l'introduction du tacrolimus, en 1985. Au dernier recensement, 1 292 greffes intestinales avaient été réalisées chez 1 212 malades, entre le 1er avril 1985 et le 31 mars 2005 dans 65 centres. 40% des receveurs étaient des adultes. Le plus jeune transplanté avait 1,2 mois, tandis que le plus âgé avait 67,8 ans. Les causes de l'insuffisance intestinale aiguë étaient un intestin court chez près de 90% des adultes et 2/3 des enfants. Un décès sur deux était lié à une infection, tandis que le rejet intestinal non contrôlé était la raison de l'exérèse du greffon deux fois sur trois.

Entre 2003 et 2005, 323 greffes intestinales avaient été réalisées chez 314 malades. La survie à un an des malades atteignait 80 % pour l'intestin isolé et 70 % pour la greffe combinée foie et grêle. La survie à un an des greffons atteignait 70 %. La durée moyenne d'hospitalisation était de 40 jours. Plus de 80 % des malades ayant survécu à la greffe avaient été sevrés de la nutrition parentérale. Ils avaient repris une alimentation orale et une activité quotidienne normales.

Les facteurs associés à une amélioration des résultats incluaient : (a) une indication précoce de greffe avec la majorité des malades en attente à domicile, (b) une expérience accrue des centres définie par la réalisation de plus de 10 greffes intestinales par an, (c) l'utilisation d'un traitement d'induction, et principalement de thymoglobulines.

Pour souligner l'importance de l'expérience des centres dans l'amélioration des résultats de la greffe intestinale, Fishbein et al. ont rapporté dans une série récente, une survie à 3 ans des malades et des greffons de 88 % et 71 % respectivement dans la greffe intestinale isolée avec un arrêt de la nutrition parentérale chez 95 % des malades ayant conservé leur greffon. La plupart des équipes rapportent une excellente qualité de vie des malades greffés chez lesquels la nutrition parentérale a pu être arrêtée [90

Cependant, le recul est encore trop court pour évaluer la stabilité à long terme des résultats de la greffe intestinale.

Coût de la greffe intestinale par rapport à la nutrition parentérale

Les aspects économiques de la greffe intestinale ont été étudiés. Comparée à la nutrition parentérale, la greffe intestinale est beaucoup moins onéreuse, qu'elle soit associée ou non à une greffe du foie. Schalamon et al. ont estimé ce coût entre 35 000 euros et 45 000 euros, et ultérieurement à 3 900 euros pour le suivi annuel des receveurs.

En revanche, le coût de la nutrition parentérale est estimé entre 100 000 euros et 150 000 euros par an et par malade aux États-Unis, et entre 30 000 et 60 000 euros par an et par malade en France.

Conclusion

La greffe d'intestin a effectué un bond spectaculaire ces dix dernières années, la faisant passer du stade de traitement expérimental à celui de traitement efficace de l'insuffisance intestinale chronique. Dans les meilleures équipes, les résultats de la greffe intestinale avoisinent ceux de la nutrition parentérale, tout en permettant au transplanté d'être sevré de celle-ci. Ces résultats sont d'autant plus remarquables qu'ils sont obtenus chez les malades les plus graves, adressés pour la greffe parce qu'ils présentaient des complications létales de la nutrition parentérale. Mais ils demandent à être confirmés sur le long terme.

Les progrès dans la sélection, la préparation des malades, les techniques chirurgicales, et la prise en charge postopératoire du transplanté ont contribué aux bons résultats actuels. En particulier, le diagnostic et le traitement précoces du rejet intestinal aigu, l'allégement du traitement immunosuppresseur, une meilleure prise en charge des complications infectieuses ont été des facteurs majeurs de progrès. La poursuite de l'amélioration des résultats dépendra probablement d'une sélection plus stricte des receveurs, d'un choix encore plus adapté des greffons (intestin isolé, greffon combiné foie et intestin, greffon multiviscéral) en fonction de la pathologie du receveur, de la précocité de la greffe avant le développement de complications liées à l'insuffisance intestinale chronique, et de l'introduction de nouveaux immunosuppresseurs, plus ciblés, et moins toxiques.

La situation actuelle de la greffe intestinale est comparable à celle de la greffe rénale à ses débuts où seuls les malades qui présentaient des complications sévères liées à la dialyse étaient transplantés. Il est possible que dans un avenir proche la greffe intestinale sera envisagée chez tous les malades chez qui le diagnostic d'insuffisance intestinale définitive est posé.

 

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